Anywhere #5 : Rencontre avec Laëtitia Vitaud, Conférencière et autrice sur le futur du travail
Et une projection dans la semaine type d'un salarié en 2030
Bonjour à tous et bienvenue dans l’épisode #5 d’Anywhere, la newsletter qui explore le futur de l’espace de travail, dans votre boîte mail chaque mois 📩
A l’approche de la rentrée, nous sommes heureux de vous retrouver avec un programme très futuriste :
S’inspirer : Laëtitia Vitaud, Conférencière et autrice sur le futur du travail, nous partage son analyse et sa vision des espaces et lieux de travail pour demain
Réfléchir : Vis ma vie de travailleur nomade et libéré en 2030
Voyager : 3 lieux de travail atypiques à San Francisco, Nantes et Paris
Bonne lecture !
Rencontre avec Laëtitia Vitaud, Conférencière et autrice sur le futur du travail
L’invitée en bref
🤓 Poste : Conférencière et autrice sur le futur du travail (entre autres !)
🏠 Ouvrages et références : Faut-il avoir peur du numérique ? (co-écrit avec Nicolas Colin) ; Du labeur à l’ouvrage ; Welcome to the Jungle ; 100 idées innovantes pour recruter des talents et les faire grandir (co-écrit avec Jérémy Clédat) ; +150 articles sur Welcome To The Jungle ; Nouveau Départ
🎯 Secteur : Future of work
L’invitée en 4 questions
1️⃣ Bonjour Laëtitia, merci d’avoir accepté cette interview ! Peux-tu m’expliquer quelles sont les dernières grandes mutations du travail et comment elles ont fait évoluer nos espaces et lieux de travail ?
Historiquement la première tendance au XXe siècle, c’est la tertiarisation de l’économie avec une explosion des mètres carrés de bureaux un peu partout, la création de quartiers d'affaires, une vie de bureau entre la verticalité et l'horizontalité.
La verticalité, dans un premier temps, avec les grandes banques des années 1950/60 notamment, qui ressemblaient énormément au modèle de l’usine, mais avec une sociologie et culture très différentes qui impliquait beaucoup moins les syndicats ou le sentiment d’appartenance à une classe sociale qui partage des intérêts car il y avait cette idée qu’il existe une verticalité hiérarchique dans le monde du bureau, c’est-à-dire une possibilité de parcours professionnels ascendants.
L’horizontalité, dans un second temps, avec la transformation de l’architecture du bureau sous l’influence de la Silicon Valley et l’arrivée des open spaces.
Mais à côté de l’usine et du bureau, qui sont nos principales références lorsqu’on évoque les espaces de travail, il existe d’autres espaces que l’on a pas voulu considérer comme des espaces de travail, soit : le monde agricole, le monde des chantiers et de la construction, et le monde domestique. Or, ce qui est très intéressant est qu’en réalité, l’espace domestique, même si l’on ne regarde que le travail rémunéré, est aujourd’hui le premier espace de travail. Il comprend notamment les typologies classiques comme les artisans, commerçants ou professions libérales, certains restaurateurs, les métiers créatifs, les métiers du numériques notamment en freelance, ainsi que les services à la personne - à son domicile ou à celui de son client.
Pourtant, on n’a jamais vraiment imaginé l’espace domestique comme un espace de travail, car les institutions qui encadrent le travail et les espaces de travail se sont toujours désintéressées du travail domestique, notamment pour des raisons liées au contexte historique (électoralistes, de marginalisation, de racisme ou encore de division sexuée du travail).
Or, ce qui est essentiel à comprendre est que l’avenir du bureau ne se pense pas sans tenir compte de ces autres espaces. La crise sanitaire nous a fait prendre conscience de cet éclatement de l’espace, et du fait que souvent, il fallait coordonner des sites et des personnes qui ne sont pas au même endroit.
Aussi, depuis les années 2000, le seul espace de travail véritablement commun est le cloud, ce bureau virtuel qui permet de nous connecter les uns aux autres. Cette tendance s’est renforcée avec la révolution numérique des années 2010 et l’émergence des outils collaboratifs comme Google Drive.
2️⃣ Quels sont les impacts de la crise sanitaire sur le bureau et de l’espace de travail ?
La pandémie a profondément changé la donne et accéléré cette fragmentation. Certains ont été forcés de travailler à domicile, tandis que d’autres ont été forcés d’aller au front, à l’extérieur du domicile. Cela nous a amenés à nous intéresser davantage à l’espace domestique et à le réinvestir en tant qu’espace de travail et de production, avec de nouvelles questions sur l’ergonomie, l’équipement, etc.
De nombreux salariés ont par exemple déménagé afin d’avoir une pièce supplémentaire et travailler dans de bonnes conditions, les éloignant un peu plus du bureau et rendant plus difficile un retour au bureau à temps plein dans le futur.
Si ces salariés ont investi dans leur espace domestique, c’est bien avec l’idée que cela allait durer au-delà de l'immédiateté de la crise sanitaire. Cela prouve que nous sommes sur des tendances de fond très fortes qui sont cet éclatement, l’installation du travail à distance et l’idée qu’un retour au bureau se fera, mais différemment.
3️⃣ Justement, penses-tu que les entreprises vont réellement maintenir le télétravail pour satisfaire de nouvelles attentes des salariés ?
L’an dernier, il y avait encore cette idée qu’on allait pouvoir tourner cette page, les gens étaient encore très optimistes et pensaient le télétravail comme quelque chose de temporaire.
Finalement, comme la crise sanitaire dure sur le temps long, beaucoup sont plus prudents quant à une date de sortie de la crise, et aujourd’hui, ceux qui imaginent revenir à 100% au bureau sont plutôt minoritaires.
Dans l’ensemble, les DRH et managers ont conscience qu’il s’est passé quelque chose de très profond.
La longueur de la crise a donc permis de pérenniser des choses que l’on voyait comme temporaire il y a un an.
Et puis, il y a une autre crainte que la crise sanitaire : celle des milliers de talents qui sont partis, ont déménagé ou sont prêts à démissionner si on ne leur accorde pas la flexibilité qu’ils souhaitent. Ceux-là ne demandent pas du 0 bureau, mais n’ont plus envie de rendre des comptes sur chaque heure de travail effectuée, ni de venir au bureau chaque jour de 9h à 19h.
Cette tendance est extrêmement forte, et de là, un monde à deux vitesses se crée : la catégorie des emplois à forte demande, qui sont en position de force pour exiger cette flexibilité, et la catégorie des emplois mal considérés et mal payés, pour lesquels la surveillance et l’aliénation physique et temporelle n’est pas prête de prendre fin.
C’est donc aussi un monde du travail très inégalitaire, où le rapport au temps et à l’espace devient une ligne de fracture et d'inégalité qui vient s’ajouter à l’inégalité de revenu...
4️⃣ Dernière question ! Comment imagines-tu l’espace de travail dans 10 ans ?
Je crois que dans 10 ans, nous aurons beaucoup mieux compris et appréhendé la fragmentation de l’espace, c’est-à-dire le fait qu’il ne s'agit pas du lieu mais des lieux de travail, tous coordonnés par le seul lieu commun à tous, le cloud.
La question va donc bien au-delà d’une opposition entre bureau et domicile. Si le domicile est le lieu de travail n°1, ce n’est pas le seul et forcément le plus adapté. En fonction de la situation familiale ou financière de chacun, le mieux peut être de sortir de cet espace-là, qui est justement trop lié au travail domestique non-marchand (les tâches quotidiennes non rémunérées). Sortir de chez soi pour travailler est alors un échappatoire, voire la seule possibilité de se concentrer.
C’est d’ailleurs ce que faisaient déjà les artistes et écrivains en investissant une cabane au fond du jardin, leur endroit pour faire du deep work. Aujourd’hui, cette cabane peut prendre différentes formes : une cabane au sens littéral, des espaces de coworking ou des espaces tiers permettant de trouver cette concentration, mais aussi d’autres acteurs qui se positionnent là-dessus et proposent de nouveaux espaces, comme le secteur de l’hôtellerie.
Il faut également ajouter à cela une autre tendance de fond, celle de se tourner vers des lieux plus proches de chez soi, avec des changements de consommation de mobilité qui sont très forts (un mouvement vers des villes secondaires, une réorganisation géographique à l’échelle de l’ensemble du territoire,...).
Tout cela mis bout à bout promet beaucoup de changements profonds, et montre bien que l’on ne peut pas dissocier les changements de consommation des changements de rapport au travail.
Enfin, pour construire une équipe et une culture d’entreprise qui fonctionne, le grand enjeu lié à cette nécessité de coordonner ces différents espaces de travail est de permettre l’inclusion malgré (ou grâce à) cette fragmentation. Alors que le monde du bureau était un monde très excluant pour certaines catégories de population (femmes, minorités, introvertis, handicapés…), cet éclatement n’est pas uniquement un risque mais aussi une opportunité pour plus de diversité et d’inclusion en entreprise.
L’objectif de ces prochaines années sera de concrétiser ces réflexions pour aller au bout de la logique.
Merci beaucoup Laëtitia, à bientôt ! 🤗
Vis ma vie de travailleur nomade et libéré en 2030
Pour cet épisode, nous nous sommes plongés dans la peau d’une personne qui vit et travaille en 2030. Nous avons volontairement accentué le trait, afin d’explorer des futurs possibles et partager de nouvelles aspirations, dans un monde où l’on organise son travail avec plus d’autonomie.
Précision : nous avons intégré différentes entreprises proposant des solutions qui accompagnent de nouvelles façons de travailler. Ce n’est pas un placement de produit, c’est juste qu’elles nous inspirent et nous voulions leur rendre hommage.
Un peu de contexte
Nous sommes en 2030.
Nous suivons Capucine, 32 ans, designer de bureaux virtuels chez Deskapad, une société de 75 collaborateurs, dont le siège social se trouve à Biarritz.
L’entreprise Deskapad a été très en avance pour tester des nouveaux modes de travail qui permettent tant au collaborateur d’équilibrer sa vie perso et sa vie pro, qu’à l’entreprise d’être performante et de fidéliser ses salariés.
Parmi ces usages (plus si nouveaux en 2030), on peut noter :
La semaine de 4 ou 5 jours, au choix du collaborateur ;
Les congés illimités, avec un minimum obligatoire de 7 semaines par an ;
Une organisation du travail hybride : bureau, maison, coworking.
L’objectif pour l’entreprise est de laisser le collaborateur libre dans son emploi du temps et de lui laisser du temps libre pour se consacrer à des projets personnels (activités sportives, associatives, famille, etc.) ou professionnels (missions en freelance par exemple). Chez Deskapad, on privilégie les tâches réalisées (autant en nombre qu’en qualité) plutôt que le temps passé.
Ensuite, les salariés travaillent principalement en France, mais certains collaborateurs préfèrent vivre à l’étranger et sont même en télétravail à 100%. Pour les salariés qui vivent en France, la politique de télétravail et l’organisation hybride permettent de travailler à distance à domicile ou en coworking près de chez soi, ou de se retrouver dans l’un des bureaux partagés à Biarritz, Nantes, Lille, Lyon et Aix.
Concernant Capucine, elle a déménagé à Rennes il y a 5 ans pour profiter de plus de confort et d’espace suite à la naissance de sa première fille. Depuis, elle en a eu une seconde, et elle organise son travail entre son domicile, un espace de coworking près de chez elle (car elle aime bien séparer son lieu de vie et son lieu de travail) et les bureaux de Deskapad (principalement à Nantes, mais parfois à Biarritz aussi).
Plongeons-nous maintenant dans la semaine type de Capucine.
Une semaine dans la vie de Capucine
Lundi
Pour commencer cette semaine, Capucine dépose sa fille à l’école et file à la gare de Rennes pour prendre son train en direction de Nantes, à 8h30. Le trajet en hyperloop dure maintenant moins de 30 minutes et elle profite de ce temps-là pour avancer sur sa lecture de Libre d’être digital nomad, un livre qu’on lui a recommandé récemment pour préparer son tour du monde en famille.
Capucine arrive au bureau à 9h15, et se réjouit de retrouver son équipe. Elle a bien fait de réserver sa place et ses salles de réunion assez tôt sur l’application de flex office, car les bureaux sont pleins.
Petit rituel du matin : Elle rejoint l’espace de travail virtuel sur Work Adventure avec une map développée spécialement pour Deskapad, afin de prendre place à son bureau, en ligne. Puis elle consacre 30 minutes au tri des mails et à l'organisation de sa journée.
A 10h, réunion de 15 minutes, rassemblant tous les salariés sur place et à distance, pour l’hebdo, réunion au cours de laquelle on fait un point rapide sur les sujets en cours et les résultats. Capucine passe ensuite à une réunion projet suivie d’un atelier en groupe qui durera toute la matinée.
Après un déjeuner avec ses 11 collègues présents ce lundi au bureau, Capucine enchaîne un point avec sa stagiaire Fanny qui vit à Marseille et travaille en remote first (principalement en télétravail et parfois dans les bureaux d’Aix). Puis elle a le temps de coordonner plusieurs tâches liées au développement d’un nouveau produit, avec différents membres de son équipe.
Capucine quitte son bureau à 18h, juste à temps pour remonter dans l’hyperloop de 18h10 en sachant qu’elle profitera de cette dernière demi-heure de train pour répondre aux mails les plus urgents.
A 19h, Capucine est chez elle et retrouve ses filles récupérées à 16H30 par son compagnon Baptiste qui télétravaillait à domicile ce jour-là.
Mardi
Le mardi, direction Paris pour rencontrer un client. Comme Deskapad n’a plus de bureaux à Paris pour accueillir la réunion, Capucine a choisi sur son application un lieu chaleureux et convivial, propice aux échanges : le Shack.
Capucine a réservé son espace vendredi dernier sur son application en utilisant des crédits prépayés par l’entreprise pour réserver son poste de travail ou sa salle de réunion, dans les bureaux de l’entreprise ou dans un espace de coworking selon son besoin.
L’après-midi, Capucine a prévu de la passer avec une partie de son équipe à la Manufacture, un superbe espace de travail qui accueille des freelances en résidence et des entreprises à la journée.
En fin d’après-midi, ceux qui le souhaitent restent pour une conférence-apéro portant sur la l’efficacité des communication écrites et orales en entreprise, et l’apport des neurosciences pour progresser sur ces sujets.
Capucine, elle, regrette de ne pas pouvoir y assister cette fois-ci. Elle rentre à Rennes avec le TTGV de 18h00.
Mercredi
Le mercredi matin, c’est généralement Baptiste qui s’occupe de préparer les filles et de les emmener au centre de loisir.
Capucine démarre sa journée en télétravail à domicile vers 8h. Pour être pleinement efficace à la maison, elle dispose d’un super bureau Slean, aussi design que pratique. Et Deskapad couvre l’ensemble de ses frais grâce à un forfait télétravail qu’elle peut dépenser comme elle l’entend : au bureau, à la maison, en coworking.
Pendant 5 heures, Capucine avance sur un nouveau projet qui lui demande d’être pleinement concentré, avec une pause café virtuel de 15 minutes vers 10h. Elle en profite pour proposer à Jérémie, à Lille, de passer cette pause café tous les deux pour échanger : les deux amis / collègues se rejoignent en un clic dans une visio-conférence commune.
Vers 13h, Capucine a terminé, récupère ses filles au centre aéré pour passer l’après-midi avec elles. Au programme, équitation et danse, les devoirs, puis le goûter, le bain, etc. Comme elle a une complète maîtrise de ses horaires, elle préfère consacrer du temps aux filles et après avoir couché les enfants, Capucine se cale une session de travail entre 20h30 et 23h, pour avancer sur des tâches d’organisation et de planification qu’elle peut faire sans difficulté à une heure tardive. Elle en profite également pour échanger rapidement avec son collègue Benoît, parti vivre à New-York l’année précédente grâce à Teletravel.
Jeudi
Jeudi, Capucine se lève à 8h pour s’occuper des enfants, les amener à l’école et rejoint un espace de coworking près de chez elle, Good Place. Elle y va régulièrement grâce à son application qui lui permet de réserver un espace de travail en utilisant des crédits prépayés par l’entreprise.
Cet espace de coworking, c’est comme un second bureau avec une machine à café et des collègues, sauf qu’ils ne font pas partie de la même entreprise. L’ambiance est très pro, on vient clairement pour bosser, mais en même temps le lieu est chaleureux et propice aux échanges.
A la pause déjeuner, elle fait la rencontre de Mathilde, UX Designer en freelance dans le même secteur. Elles partagent leurs expériences respectives et envisagent de garder contact pour collaborer ensemble dans le futur.
Journée studieuse, sous le signe du deep work. Elle trouve quand même le temps d’organiser dans les grandes lignes sa prochaine semaine et réserve ses espaces de travail sur l’application dédiée. Dans tous les cas, elle sait qu’en cas de besoin c’est simple de modifier / annuler ses réservations. Cela lui permet également de voir les collègues qu’elle aura la chance de croiser dans les bureaux ou à l’extérieur.
Cette semaine, Capucine avait organisé son travail et ses tâches pour Deskapad sur 4 jours. Maintenant que la semaine de travail est finie, Capucine désactive les notifications mail de son téléphone pour déconnecter au maximum, profiter de son week-end et revenir avec une super pêche lundi matin !
Vendredi
La semaine de travail pour Deskapad est certes terminée, mais cela permet surtout à Capucine de se consacrer à des projets parallèles. Entre 10h et 12h, Capucine donne une masterclass à Rennes Business School sur les défis du product management en 2035. Elle aime transmettre et cette activité lui apporte donc autant à elle qu’à son entreprise.
L’après-midi, Capucine prend le temps de lire un bon bouquin de science-fiction avant de récupérer ses enfants à l’école et retrouver son compagnon pour un week-end calme et tranquille à Saint-Briac.
En conclusion
Nous espérons que ce voyage dans le futur vous a plu et inspiré. Évidemment, les solutions que nous évoquons ici ne représentent qu’une infime partie de ce qui sera possible demain, mais nous souhaitions vous partager quelques grandes tendances que nous avons identifiées : la gestion optimisée du flex-office au sein de l’entreprise, la flexibilité des horaires et jours de travail, la convivialité et la culture à distance et bien sûr l’hybridation des différents espaces de travail.
Si vous connaissez ou vivez d’autres pratiques d’avant-garde, n’hésitez-pas à nous les partager en réponse à cet email !
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Bonne rentrée à tous !
Jeanne