Anywhere #2 : Rencontre avec Muriel Havas, Head of Facilities @ Blablacar
Et réflexion sur l'évolution probable vers un bureau as a service
Bonjour à tous et bienvenue dans le second épisode d’Anywhere, la newsletter qui explore le futur de l’espace de travail, dans votre boîte mail chaque mois 📩
Au programme aujourd’hui :
S’inspirer : Muriel Havas, Head of Facilities chez BlaBlaCar, nous partage son expérience et sa vision de l’espace de travail de demain
Réfléchir : Du 3-6-9 au bureau as a service ?
Voyager : 3 lieux de travail atypiques à Audierne (Bretagne), à Paris et à Londres
Bonne lecture !
Rencontre avec Muriel Havas, Head of Facilities chez BlaBlaCar
L’invitée en bref
🤓 Poste : Head of Facilities
⚒ Mission : Piloter la stratégie d'organisation, développer l’environnement de travail et s’assurer du bien être des collaborateurs avec une recherche systématique de la performance et de l'anticipation des risques
🏠 Entreprise : BlaBlaCar
🎯 Secteur : Mobilité et Economie collaborative
👋 Nombre de salariés : 600
L’invitée en 5 questions
1️⃣ Bonjour Muriel, merci d’avoir accepté cette interview ! Pour commencer, quelle est pour vous la fonction du bureau aujourd’hui ?
Contrairement à ce que l’on peut lire depuis un an avec la découverte du télétravail, les bureaux existeront toujours. En effet, la pandémie et le télétravail ont mis en lumière le besoin de socialisation des salariés. Le bureau devient donc un vecteur essentiel à cette socialisation, à la cohésion d’équipe et au sentiment d’appartenance.
En revanche, nous devons considérer une nouvelle définition du bureau comme un hub social : une approche tournée vers la collaboration et la création : après la pandémie, on reviendra au bureau mais différemment, en privilégiant les moments collaboratifs et en équipes plutôt que le travail individuel à son poste de travail.
Cela va engager une véritable révolution des aménagements et de la façon de concevoir les bureaux comme on l’entendait avant la Covid-19.
2️⃣ Aujourd’hui, comment avez-vous/est intégré le télétravail chez BlaBlaCar ?
Il y a un an, bien avant la déclaration de confinement, le management avait pris la décision de nous mettre en télétravail, dans un souci de santé et de bien-être des employés.
Nous avons intégré le télétravail de façon très naturelle car nous le pratiquions déjà, bien avant la crise sanitaire. Mais la crise, du fait de sa durée, a accéléré notre politique en la matière.
Dès les premiers jours, nous avons créé des think tank pour pouvoir accompagner les managers dans cette nouvelle configuration, dans les interactions inter-équipes. Et un certain nombre d’actions et d’aides matérielles ont été mises en place, pour permettre aux salariés de s’équiper et d’éviter d’éventuels problèmes de TMS (troubles musculo-squelettiques).
Nous avons aussi mis en place des actions permettant de renforcer notre culture d’entreprise et de s’assurer que le sentiment d’appartenance ne s’étiole pas, que nos valeurs soient toujours présentes.
3️⃣ Comment gérez-vous ou prévoyez-vous de gérer vos espaces de travail ?
La crise sanitaire nous a poussé à accélérer le déploiement de notre politique de télétravail et à trouver des solutions pour accompagner au mieux nos collaborateurs.
Aujourd’hui, chacun de nos salariés dispose d’un budget pour s’équiper de façon adéquate et ergonomique. Nous partageons également de nombreux supports sur les bonnes pratiques, des conseils d’aménagements et d’amélioration de l’ergonomie.
Avec le télétravail à raison de 2 à 3 jours par semaine, nous nous devons de repenser nos espaces, particulièrement ceux de nos futurs bureaux. En mettant en place une solution de desk partagés, tout en ancrant les équipes dans des zones prédéfinies.
Cela contribue à renforcer la cohésion d’équipe et le sentiment d’appartenance, tout en rassurant les collaborateurs sur le fait qu’ils sauront où retrouver leurs collègues.
D’ailleurs, cela se fait aujourd’hui de façon naturelle : en effet, seuls quelques espaces en full flex sont ouverts pour permettre aux collaborateurs qui en expriment le besoin de revenir à raison de 1 jour par semaine (notamment pour éviter le sentiment d’isolement). Nous nous sommes aperçus que dans cette période incertaine, les personnes ont tendance à revenir instinctivement à la même place la semaine suivante.
Le passage à un rythme de télétravail de 2 ou 3 jours par semaine va donc réduire le nombre de places nécessaires. Nous utiliserons les espaces libérés pour créer davantage d’espaces de collaboration : formels (type salle de réunion classique) ou informels (petit salon de discussion, espace de création, brainstorming etc.).
Nous étions déjà très friands et adeptes de ces types d’aménagement. En effet aujourd’hui 50% de nos espaces sont déjà de type informels et très sollicités par les employés.
Pour les personnes en full remote, elles auront la possibilité de se rendre dans des tiers lieux grâce à un budget alloué, avec à terme la création de mini hubs régionaux pour permettre aux télétravailleurs de se retrouver.
4️⃣ Quels sont vos 3 meilleurs outils ou conseils pour faciliter la collaboration à distance ?
Les outils, il y en a beaucoup. Mais ce n’est pas l’outil qui permet la cohésion, c’est la façon dont on s’en sert et le management. C’est pourquoi l’accent a été mis sur l’accompagnement de nos managers dans cette crise.
Le management distanciel ou hybride n’est pas le même que celui en présentiel : les enjeux sont différents et nécessitent une vigilance accrue de la part des managers.
Par exemple, la transparence et l’écoute sont primordiales pour assurer la collaboration à distance. Chaque semaine, nous diffusons des conseils et bonnes pratiques. Et pour recréer de façon simple et naturelle la machine à café, nous avons créé un channel Slack dédié, contenant un lien d’un meeting Google Meet ouvert à tous et à toute heure, sur lequel on peut échanger avec les autres personnes qui y sont connectées.
5️⃣ Enfin, comment imaginez-vous l’espace de travail de demain ? Que devra-t-il offrir aux collaborateurs ?
Déjà, le bureau de demain devra répondre à un certain nombre d’impératifs tels que l’intelligence collective, l’innovation et la flexibilité d’usage mais aussi prendre en compte des enjeux d’épanouissement personnel.
Par ailleurs, le bureau aura une vraie vocation sociale et humaine. Il devra être un véritable lieu de vie, hub social, dans lequel tout est tourné autour de l’humain et de son bien-être et qui favorise la collaboration et la création.
Enfin, le bureau de demain sera serviciel : il faudra pouvoir apporter un certain nombre de services car le salarié qui revient au bureau souhaite vivre une véritable expérience humaine. Nombreuses enquêtes et sondages sur le sujet mettent l’emphase sur 5 services, par ordre d’importance : une restauration de qualité et saine, des services de bien-être, des services de santé, des services de sport, des services culturels.
Dès 2019, lors de la co-conception du bâtiment avec les architectes, nous avions déjà identifié et traité ces aménagements dans notre futur HQ, avec notamment un renforcement des services de bien-être à la personne, yoga, sport, retour à la nature…
Le fait que nos collaborateurs viendront de plus en plus au bureau pour combler un besoin de sociabilisation implique de trouver des moyens de les réunir autour de thématiques, de centres d’intérêts.
Par exemple, nos futurs bureaux seront dotés d’une salle de sport, d’un potager, de cantines connectées qui répondront aux régimes et goûts de chacun, d’un auditorium ou encore d’une salle de musique. J’étudie également le concept des cabines de téléconsultation médicale, pour voir dans quelle mesure nous pourrions en installer une dans nos locaux et donner ainsi à l’ensemble de nos collaborateurs un accès facilité aux soins.
Merci beaucoup Muriel, à bientôt !
Du 3-6-9 au bureau as a service ?
Depuis quelques années déjà, l’immobilier de bureau fait face à un paradoxe :
D’un côté, les propriétaires ou investisseurs immobiliers cherchent à rentabiliser leurs actifs en les sécurisants avec des locataires qui s’engagent sur de longues périodes ;
De l’autre, les entreprises ont besoin de surfaces de travail de plus en plus flexibles et pouvant s’adapter à leur besoin à court et moyen termes.
Avec la démocratisation du télétravail, les cartes sont rebattues.
Et si le bureau as a service devenait l’option privilégiée par la majorité des entreprises ?
Le bail traditionnel 3-6-9, une rigidité qui perd du terrain
Tout d’abord, rappelons rapidement ce qu’est un bail 3-6-9.
Il s’agit d’un contrat de location passé entre le propriétaire d’un local commercial et une entreprise. Il engage le propriétaire sur 9 ans et l’entreprise locataire sur au moins 3 ans.
Le bail 3-6-9 répond toujours à certaines problématiques, notamment celles de la pérennité de la relation commerciale et la sécurité financière qui s’ensuit, des critères clés pour le propriétaire ou l’investisseur qui loue son immeuble. Aussi, dans les villes attractives, jusqu’à présent, les bailleurs sont généralement en position de force : il y a peu de vacance et les candidats à la location sont nombreux. Ainsi, les propriétaires sont en mesure d’exiger des engagements plus longs.
Aujourd’hui, une majorité d’entreprises privilégient encore ce système. Le bail 3-6-9 a donc encore de beaux jours devant lui.
Cependant, la donne pourrait changer plus rapidement que prévu. En effet, ce contrat implique d’avoir une vision long terme de son positionnement et de ses besoins.
Or :
Ce n’est pas le cas de certaines entreprises, notamment celles qui se lancent (startups) ou celles qui sont en forte croissance (scaleups) ;
L’accélération des nouveaux modes de management et d’organisation, accentuée par la démocratisation du télétravail pourrait conduire à augmenter le nombre d’entreprises recherchant plus de flexibilité ;
De nouveaux acteurs immobiliers, notamment les espaces de coworking, proposent justement des alternatives au 3-6-9.
L’immobilier flexible : de la propriété à l’usage
Depuis longtemps déjà, certaines entreprises privilégient d’autres systèmes plus flexibles.
C’est le cas des startups notamment, particulièrement enclines à innover et se développant vite. Leurs modèles les incitent généralement à privilégier le contrat de prestation de services, aussi appelé contrat de mise à disposition de bureaux.
Contrairement au bail commercial qui offre un droit de propriété réel pendant la durée du bail, ce contrat offre un droit d’accès et un droit d’usage à l’entreprise cliente. Aussi, ces contrats incluent divers services, parfois designés sur-mesure selon le besoin spécifique de l’entreprise (ménage, équipements informatiques, conciergerie,...).
Cette tendance à privilégier l’usage à la propriété est loin d’être nouvelle. Elle s’impose depuis des années dans de nombreux secteurs comme le transport ou le mobilier, et gagne progressivement du terrain dans le secteur de l’immobilier.
Le bureau as a service : l’avenir du bureau ?
La crise du Covid-19 pourrait bien accélérer le développement de ces solutions plus flexibles et généraliser leur adoption par tous types d’entreprises.
En effet, la crise économique actuelle génère chez les entreprises beaucoup d’incertitudes et de difficultés à se projeter à long terme. En parallèle, la généralisation du télétravail a conduit les entreprises à questionner la fonction du bureau, leurs modes de travail et donc l’aménagement et l’utilisation de leurs espaces de travail.
Dans ce contexte où l’espace de travail est amené à évoluer plus régulièrement, le bail 3-6-9 apparaît comme une solution beaucoup trop rigide et inadaptée aux temps courts de l’entreprise de demain, quelle que soit sa taille.
Sans disparaître totalement, il est donc amené à coexister avec de nouvelles solutions plus flexibles et parfois même hybrides, sujet que nous détaillerons dans la prochaine édition d’Anywhere.
Stay tuned ! 😉
Découvrez 3 espaces de travail atypiques en France et ailleurs 🌏
On espère que vous avez apprécié cette édition !
A très vite en juin,
Jeanne